Ici je ne suis personne. Le forum que je connaissais n'existe plus depuis longtemps. Celui ou j'ai grandit. Est ce que des personnes qui ont vécu ce moment là avec moi, il y a 6 ans, liront ça ?
Chaque année je rentre ton nom dans la barre de recherche. Chaque année je fais defiler les mêmes pages d'annonce de décès. Un page du journal local qui parle d'un spectacle de théatre de fin d'année, quand tu avais 9 ou 10 ans. C'est tout. Chaque année pourtant, la rage monte et je fait défiler les pages les unes après les autres. Ce n'est pas possible que toute ta vie se résume à ça. Mais rien de nouveau n'apparait jamais. Rien n'apparaitra jamais. Tu appartiens au passé.
Une si, si, si petite vie.
Cette année, ma petite sœur a l'age que tu avais quand tu es morte. Elle vient a peine de commencer la vie. C'est une enfant. Elle s'inquiète pour ses devoirs de maths et des problèmes de cœur de ses amies et elle n'a jamais bu un verre d'alcool. Elle n'a jamais embrassé personne. Elle est à peine née. Je te vois dans ses traits.
Ca fait 6 ans, mais la colère, la haine, l'impuissance, de voir les mêmes messages que je connais par cœur, la même date de dernière connexion à ton profil figé dans le temps.
On vit dans un monde qui laisse ses enfants mourir.
Tu étais comme ma grande sœur quand tu es partie. Maintenant c'est moi qui ai l'age de la grande sœur.
La personne que j'aime m'a rencontré bien après tout ça. Je lui ai tout raconté biensur. Mais pour lui c'est quelque chose de loin. D'une autre vie. Il n'a pas vu ce que j'étais quand c'est arrivé.
Le monde t'as oublié. Mes nouveaux amis ne connaissent pas ton nom. Tu es un fantôme qui hante mon cœur et les archives de mon ordinateur. Après 6 ans les contours deviennent flous et depuis que s'est arrivé j'ai eu le temps d'être mille personnes différentes. Je me sens transparente et si, si loin de tous les autres. Je ne peux pas les faire toucher cette partie de moi. J'ai mal, j'ai besoin, besoin, besoin de sentir leurs doigts autour de cette douleur. Qu'ils voient et qu'ils ressentent. Mais je ne peux pas. Je ne peux que parler d'un souvenirs d'un quart de ma vie en arrière.
Y a-t-il d'autres personnes qui pleurent aujourd'hui ? J'espère. J'espère que je ne suis pas la seule à avoir relu tes vieux messages. A prononcer ton nom dans le noir ne pas l'oublier. A pleurer et pleurer en pensant à tes 16 si petites années de vie. A tout ce que tu as manqué, aux mains que tu n'as pas tenu. Tu aurais 22 ans. Comment peut il y avoir un millénaire entre 16 et 22 ans ?
En mille ans, le creux dans ma poitrine qui porte ton nom ne s'est pas refermé même un peu. Tout ce qui a changé, c'est que je vois cette douleur d'enfant d'un regard adulte.
Le deuil de tout ce que tu n'as jamais vécu. C'est peut être ça le pire.
J'espère qu'on a déposé des fleurs sur ta tombe aujourd'hui. J'espère que quelqu'un d'autre te pleure en même temps que moi.