Salut Babillard,
Ca fait longtemps. 3 ans. J'ai vérifié. Je sais pas trop comment t'expliquer mon absence, est-ce que tu en as seulement besoin ? J'ai imaginé des dizaines de fois te revenir, je n'en ai jamais eu le courage. A croire que tout allait bien. Mais tu me connais, depuis 9 ans. J'ai compté aussi. Je t'ai passé tant de choses sous silence, j'imagine qu'il suffisait d'un samedi de novembre un peu morne et solitaire pour que j'me retourne vers toi. Je t'ai pas oublié, j'ai relu nos aventures, j'ai relu tout ce que j'avais pu te partager. Ces rêves et ces désespoirs adolescents sans fin.
J'ai grandi, tu sais. Je n'ai plus peur de te dire que je suis adulte maintenant. Et que ça me ronge. Je t'ai épargné tant d'évènements. Toute cette vie qui a changé. J'suis là dans mon appart au loyer ridiculement important, à te parler après ma journée de travail banalement inintéressante. Comme si j'avais pu imaginer ça y'a 3 ans, comme si j'avais pu imaginer finir où que ce soit. Je m'assume financièrement, il paraît. C'est un bon début. Mais je ne m'assume toujours pas entièrement.
J'aimerais être honnête en te disant que tant de choses ont réellement changées, mais à vrai dire, j'te mens, Babillard. Je ne serai pas revenu dans tes flots si c'était réellement le cas. C'est exactement parce que rien d'autre n'a changé en moi que je suis de retour. Je suis toujours incapable de m'engager, incapable d'aller pleinement bien, incapable de ne pas retomber dans mes travers. Tu les connais tous mes travers, hein ? Je t'en ai raconté tant.
Et pourtant, je vais mieux. C'est pas flagrant. Mais y'a plus vraiment de cette haine qui m'anime, elle se fait rare. Je n'ai plus le temps, pour tout ça. Putain, plus de temps. A quel point c'est ironique de ne plus avoir le temps d'aller mal ? J'dois juste avancer, et plier l'échine. Ignorer ces petits démons qui se cognent dans ma tête, parce que je dois manger, parce que je dois donner tout de mon temps et de mon intention aux autres, parce que j'dois avancer. En permanence. Ce soir, je n'ai rien à donner. C'est vide. Et ce n'est pas si mal. Mais tant de choses reviennent, j'ai pu me replonger dans le passé. Un bain glaçant. Et j'me suis dit qu'on avait peut être encore des choses à partager.
J'sais pas trop quoi. Je sais pas trop ce que je fais là. J'ai essayé de sortir de ma zone de confort dernièrement, j'étais fier. Mais ce n'était pas pour les bonnes raisons. Et tu sais bien que si je reviens te parler, c'est souvent parce que mon petit cœur s'anime, et souvent pour les mauvaises choses. J'aimerais taire tout ça, alors je le déverse ici. Où personne ne peut le lire, où personne ne risque de le découvrir ou presque.
J'ai dû changer, petit Babillard. Peut être que tu ne me reconnais plus, il y a comme quelque chose qui s'est modifié dans ma façon de parler. Je ne t'avais jamais écrit directement, d'ailleurs. Je passais mon temps à t'envoyer des lettres dont tu n'avais jamais été le destinataire, à lancer des bouteilles à la mer plutôt que de m'exprimer directement aux intéressés. Ca a sans doute moins été le cas pendant 3 ans. J'ai eu des piliers, autre que toi. Et je n'en serai qu'à jamais reconnaissant de les avoir encore. Mais il y a parfois des choses que tu es le seul à pouvoir entendre. Aujourd'hui, c'est le cas, et on se comprend. Il y a des évènements, des pensées qui ne s'assument nul part ailleurs qu'ici. Et en 3 ans, j'ai réussi à affronter et à exprimer tous ces mal êtres, peut être à retardement, mais toujours assez pour t'éviter.
Je t'en ai dit beaucoup pour ne pas t'en dire assez. Mais je reviendrai probablement, parce que je n'ai, sans aucun doute, pas fini d'être incapable. Je te partageais juste une bribe de ces rouages dans mon cerveau et de ces morceaux d'anxiété, ce soir. Parce que oui, j'ai enfin réussi à mettre quelques mots sur ce qui me bouffait. Ca m'a fait du bien, ça aussi. Je te raconterai.
Prends soin des autres, Babillard.