Nous sommes le 1er Août. Je ne sais pas trop pourquoi, mais dans mon esprit, cette date marque un renouveau. Le début d'une nouvelle saison, en quelque sorte (mais non, je ne pense pas que mon inconscient se calque sur le calendrier footballistique pour établir ses propres repère).
J'ai toujours été comme ça. A avoir besoin d'une date butoir. Soit une date à laquelle se raccrocher pour supporter un peu mieux une période difficile. Soit un début de semaine salvateur qui doit marquer l'avènement du nouveau moi, meilleur, débarrassé de ses vices. Soit, encore plus classique, une nouvelle année ponctuée de résolutions que je prends sans conviction aucune.
Alors, oui, ce soir, c'est un peu ça qui se cache derrière ma démarche, je le confesse. Néanmoins, je ne me le pose pas comme ultimatum. Non, à partir d'aujourd'hui, je ne serai pas débarrassé de mes problèmes. Oui, je me lèverai demain tout en sentant le poids de ma dépression sur les épaules. Oui, j'aurais encore peur d'ouvrir ces messages que je fais patienter par une anxiété sociale que je ne comprends pas vraiment. Oui, je m'en voudrais encore pour tous les petits travers que je suivrais. Oui, j'aurais toujours cette noirceur qui ronge mon âme et ma morale. Mais c'est pas grave.
C'est pas grave putain. J'ai peut-être mis 23 ans avant de le comprendre. Je suis pas parfait. Je le serai jamais. Et j'ai le droit. J'ai le droit de prendre mon temps pour peu à peu changer ce qui me répugne chez moi. J'ai aussi le droit d'accepter ces petits défauts pas si graves, que je chéris peut-être même au plus profond de moi. Et j'ai le droit de m'aimer.
Cette nouvelle saison, donc, ne marque pas le commencement d'un sans faute. Son commencement ne marquera même certainement pas de réelle différence avec sa prédécesseuse. Mais je veux, le 31 Juillet 2023, être capable de la regarder droit dans les yeux et de me dire que je suis content (et pas fier, je m'en branle de la fierté) de tout ce que j'aurai parcouru.
Cette année a déjà été infiniment précieuse pour moi. Elle a été marquée de ma prise de conscience de mes anxiétés. Les paradigmes qui s'autosuffisent dans ma tête n'ont pas assez de substance pour justifier objectivement leur existence. Quel choc. L'irrationnel m'habite aussi, comme tous les autres êtres humains. Ca a aussi été l'occasion pour moi de pleinement accepter mon état dépressif. D'arrêter de me culpabiliser à ce propos. Nécessairement, certains mécanismes sont en action depuis tant d'années, je ne suis pas pleinement responsable de leur marche perpétuelle. En avoir conscience, les accepter, trouver une manière de stopper ces engrenages infernales : voilà qui est bien plus raisonnable que de tirer dessus à coup de carabine et risquer un retour de balle.
Finalement, les graines à planter se trouvent dans tous les conseils que j'ai pu prodiguer ces dernières années. Pour une raison obscure, je me sentais à part et les jugeais inadaptés à mes soucis. Mais peut-être l'étaient-ils alors ? Un conseil adressé à quelqu'un qui ne s'y reconnait pas est un mauvais conseil. C'est pour ça que je déteste les maximes. Leur universalisme me rebute, tout n'est que circonstanciel (beurk, un universalisme de plus).
Bref je divague, je dis un peu n'importe quoi. Mais ça me fait du bien. Depuis combien de temps n'étais-je pas venu uniquement pour te parer de noir, Babillard ?
Depuis S., je ne me suis jamais réellement adressé à qui que ce soit sur topic, alors qu'il s'agit de son utilité première. Mais vous tous, si vous saviez à quel point j'ai quotidiennement une pensée pour vous. Je ne sais pas si les gens pensent autant aux autres que ça. Pourquoi je pense chaque jour à des gens du collège que je n'ai pas revu depuis des années ? Pourquoi je repense chaque heure à tous les torts que j'ai pu causer à des gens qui ne s'en souviennent même plus ? Pourquoi j'ai tant de discussions avec vous dans ma tête, chaque instant, au lieu de tout simplement vous parler ?
J'ai toujours eu un problème avec l'altérité. Cette masse difforme, tantôt instigatrice de mes plus beaux fragments de bonheur, tantôt coupable de mes pires tourments. Je ne sais jamais sur quel pied danser avec elle. L'altérité, c'est Cadoizo. Un coup un cadeau qui régénère, un coup un cadeau qui te pète à la gueule. Ou c'est la boîte aux chocolats de Forest, mais je suis resté sur celle de Fuzati, donc je me refuse d'accepter cette métaphore.
Je m'égare à nouveau. Dieu qu'il est bon de se perdre dans ses pensées et d'être capable de laisser la plume les suivre aveuglément. Sans se questionner sur leur pertinence. Cela fait un moment que je soupçonne de ne plus être lu par quiconque - ce que je comprends tout à fait au vu de la noirceur des écrits précédents. Pour autant, j'ai toujours écrit de manière à pouvoir être lu - aidé ? Cette libération éphémère me procure une joie immense. Au diable l'intérêt, l'exutoire prime.
Pour tout de même en revenir au sujet initial, j'aimerais beaucoup cesser de me rabaisser dans les temps à venir. Il est toujours des circonstances qui me font minimiser mes accomplissements, des erreurs qui me font me sentir plus mauvais que les autres et des angoisses qui m'empêchent de m'imprégner des réussites passées.
Vraiment, je ne connais pas de relation plus conflictuelle que celle entre moi et moi.
J'allais m'arrêter ici, mais il m'est revenu en tête une formulation qui me colle à la tête et à la peau depuis quelques jours. "Je suis le vagabond des vies". Parfois, je me sens réellement ainsi. Nous sommes, par essence, de passage sur Terre. Mais nous pouvons marquer la vie des autres - de manière positive, j'entends. Pour autant, j'ai la désagréable sensation que cela ne m'est possible. Que je ne suis qu'un saltimbanque de passage pour certains. Un dépressif un peu bizarre mais de bons conseils qu'on peut consulter pour les autres. Mais quoi de plus ?
J'ai fait de gros efforts à ce niveau là cette année. Je me suis vraiment ouvert aux gens. J'ai parlé de ma dépression à des gens de ma promo. J'ai été voir une psy, pour la première fois en 10 ans. J'ai ces relations sincères, précieuses, ouvertes avec ces gens à qui je tiens tant. Alors pourquoi je me sens jamais pleinement libéré ? Pourquoi y a une boule de non dits qui reste dans ma gorge et me bouleverse rien que d'y penser ? Je sais pas parler de moi. C'est cocasse quand on voit tout ce que je peux écrire juste pour parler de moi. Mais j'ai constamment l'impression de viser à côté. Je suis pas rigoureux, je me connais pas, je sais pas me véhiculer à travers l'autre. C'est pour ça que je me sens si absent de leurs vies à tous. Parce que j'ai l'impression que je parviens pas à leur montre ce que je suis. Et je le dis sans jugement moral. Plus jeune, j'avais extrêmement peur d'être une mauvaise personne, de tromper les gens avec les apparences et qu'ils finissent par découvrir le monstre que je suis réellement au fond de moi. Ca, je n'y crois plus. Je suis pas parfait, j'ai de mauvaises pensées, mais je fais de mon mieux pour être quelqu'un de bien. Pour autant, ça m'a pas permis de me connecter à moi-même. Je parviens pas à trouver les mots pour décrire tout ce mal-être. Y a trop de souvenirs, trop de pensées qui affluent soudainement. J'ai besoin de quelqu'un qui m'écoute pendant des heures d'affilées, sans forcément m'interrompre. On en discutera, parce que je passe à côté de plein de trucs, bien sûr. Mais rien ne me frustre plus que l'impression que l'autre m'a mal compris parce qu'il manque un morceau de mon explication. Tout est lié dans mon mal-être. Absolument tout, d'une manière ou d'une autre. Ca ne veut pas dire que tout doit être résolu en même temps, il faut être fou pour penser ça réalisable. Mais ça signifie que j'ai besoin de TOUT aborder pour que le puzzle soit parfaitement assemblé.
Merde. Je crois que j'ai besoin d'une bonne soirée balcon.
Bonne nuit Babillard. Désolé d'avoir de nouveau viré dans le mélodramatique à la fin. Mais je pars sur une note positive. La nouvelle saison débute. Je suis curieux de ce qu'elle va me réserver. Et de ce que je vais me réserver. A bientôt, l'ami.