Je ne sais pas si l'on peut vraiment comparer ça avec un film de super-héros par exemple parce que la pornographie touche à des thématiques qui s'ancrent pleinement dans la réalité. Conscientiser la non-existence des pouvoirs de tels personnages, c'est facile. Mais tout le monde ne fait pas la différence entre ce qui est montré via les supports pornographiques et les relations sexuelles que l'on peut avoir avec un partenaire. Donc, si, beaucoup peuvent assimiler ces pratiques au quotidien, et croire que c'est ainsi que cela se passe en ce qui concerne la sexualité. D'autant plus lorsque cela concerne un public relativement jeune : il peut d'autant plus facilement être influencé par ce qu'il observe au sein de ce support sans parvenir à faire les bonnes distinctions. Et avoir certaines attentes disproportionnées vis-à-vis de son partenaire peut engendrer une certaine frustration et potentiellement un conflit au sein de la relation sexuelle en tant que telle, donc on devrait surtout s'intéresser au degré de consommation et à l'œil qui est affecté à cette consommation plutôt que de se demander si c'est "bien ou mal". De plus, je ne suis pas sûre que la pornographie soit le support qui instruise le plus (vis-à-vis de la sexualité ou de son propre corps), en particulier lorsqu'il s'agit du tout premier rapport. C'est même le contraire de mon point de vue. Par ailleurs, "normaliser des pratiques extrêmes, imposer des standards, culpabiliser les jeunes sur leur physique...", pour reprendre tes propos de plus haut, se révèlent être des aspects assez problématiques justement, parce qu'on ne devrait pas banaliser à ce degré la sexualité, et encore moins banaliser ce que cela induit d'entrer dans une telle normalisation, dans la condition de tels standards. Culpabiliser les jeunes sur leur physique, ça peut aussi avoir un impact important sur leur confiance en eux-mêmes, qui peut ensuite également impacter la relation sexuelle. .
Tu relaies des hypothèses bien connues : les jeunes peuvent croire que c'est ainsi que cela se passe, ils ne parviennent pas à faire les bonnes distinctions, ils peuvent avoir des attentes disproportionnées, ils culpabilisent sur leur physique... En effet c'est théoriquement possible. Mais est-ce que des études étayent ces effets négatifs ? Pas à ma connaissance.
On peut émettre des hypothèses inverses : les jeunes qui ne se masturbent pas peuvent avoir des difficultés à aborder la sexualité, ils peuvent manquer de sensibilité vis-à-vis de leurs partenaires... Là encore pourquoi pas ? Mais encore une fois faute de données à l'appui ce sont des affirmations gratuites.
Ce que je constate très simplement c'est qu'il y a une différence
énorme entre le discours normé que tu relaies et les faits qui viennent l'étayer. Et comme par hasard c'est quand on parle de sexualité... donc je soupçonne fortement ces différences de relever de considérations morales bien cachées. On est encore mal à l'aise avec la masturbation et on a bien du mal à trouver cela normal. Encore plus avec la pornographie. Dans ces cas la conclusion précède la réflexion : la consommation de pornographie c'est mal -> on trouve des arguments -> on cherche des données -> on ne trouve pas vraiment mais on ne fait pas le chemin inverse.
Personnellement (mais ça ne vaut pas une étude) je n'ai jamais rencontré un jeune qui s'interroge sur ses performance sexuelles ou sa morphologie par rapport à un film porno. Cela doit bien exister, mais de mon expérience c'est marginal : les gens savent que c'est de la fiction.
Si tu as des données qui démontrent le contraire je veux bien changer d'avis - mais je doute que tu trouves.
Puis il ne s'agit pas uniquement de science, il s'agit aussi d'éducation et de considération. Quand je parle de considération, cela fait référence à l'idée que cette normalisation en vient à réduire la pratique sexuelle (dans le sens où elle amène à penser la sexualité comme quelque chose de trivial et qu'on amenuise sa portée) qui est pourtant tant prônée. Et cela peut avec une incidence sur la nature de la relation, sur les sensations ressenties, et donc sur la joie née de ce moment. J'ai l'impression que l'on ne voit plus que cela comme quelque chose de mécanique, et qui doit répondre à une certaine performance d'autre part.
La sexualité c'est ce qu'on veut en faire. Pourquoi cela ne serait pas trivial ? Certains vont y mettre beaucoup d'affection, de l'amour, d'autres vont chercher des coups d'un soir. Chacun fait ce qu'il veut et donne la portée qu'il veut à cette activité.
Donc certes, il y a un tas de rapports, surtout les premiers, qui peuvent ne pas se passer comme prévu car une des deux personnes ou les deux n'auront pas suffisamment exploré leur propre corps avant notamment (je dis notamment parce que ce ne sont pas les seules raisons qui peuvent s'exercer). Mais n'est-ce pas tout autant important d'entrer dans un moment si intime avec un état d'esprit sain et lucide (quand je dis sain, je veux dire qui n'est pas aliéné par le spectacle desservi par la pornographie), où chacun a conscience de la portée du moment en question, sans illusion(s) et démesure ?
Quand à l'époque romantique on écrivait des histoires d'amour, les bonnes âmes expliquaient que cela pervertissait les jeunes gens en leur présentant une image déformée de la réalité. On en est là aujourd'hui avec la pornographie. Pourtant connais-tu des gens qui, quand ils font leur première fois par exemple, trouvent ça trivial ou banal parce qu'ils sont regardé beaucoup de porno ? Est-il même imaginable que quelqu'un ne fasse pas la différence entre la fiction et la réalité ? Tu connais des jeunes qui font leur première fois avec cinq potes et des triples pénétrations ?
Je pense que ce n'est peut-être pas préférable de réduire un tel phénomène. D'ailleurs, tu avais pu dire que "L'addiction à la pornographie n'est pas un trouble mental reconnu dans les classifications psychiatriques internationales." Sache que l'addiction à la nourriture non plus n'est pas admise de manière officielle, et pourtant cela existe bel et bien, tout comme ça commence à être de plus en plus étudié. Ce n'est pas parce qu'on ne perçoit pas encore bien les risques qu'ils n'existent pas, de plus. L'addiction, quelle qu'elle soit (au tabac, à la drogue, à la nourriture, à ce dont on parle ici, ou autre) doit nécessiter l'apparition de feux d'alarmes dans nos esprits ainsi que l'avènement d'une prise en charge. Je ne sais pas si tu connais le mécanisme de l'addiction en tant que tel, mais dès lors que l'on en sait un peu plus à ce sujet, il est certain qu'on ne peut pas fermer les yeux sur cela, même si les causes et les conséquences sont en cours de recherches scientifiques.
Ce que tu mets en évidence encore une fois, c'est le côté fourre-tout de cette notion d'addiction. La nourriture c'est addictif pour tout le monde : on est même tous dépendants, avec un sérieux syndrome de sevrage si on arrête de consommer ! Donc non, l'addiction à la nourriture (ou même au jeu) ce n'est pas une notion qui existe bel et bien, c'est une convention (non médicale) qu'on prend pour désigner des comportements qu'on estime excessifs (contrairement à l'obésité, qui elle, est indiscutablement une maladie).
D'où la question : quelle est la "bonne" consommation de porno ? Eh ben je ne vois pas de réponse évidente. Cela renvoie à la vie de la personne. Si elle regarde 2h par jours mais qu'elle est parfaitement équilibrée par ailleurs, où est le problème ? On a bien des personnes qui font du modélisme, des mamies qui jouent au bridge, des pécheurs qui passent leurs journées en cuissardes... Ce n'est ni bien ni mal, ni normal ni excessif en soi. Si la personne en souffre (autrement que par culpabilité morale !) parce que c'est la source de difficultés dans sa vie quotidienne, alors il faut l'aider, mais certainement pas avec une approche normative : chacun fait ce qu'il veut de son temps.
Parce qu'elle est liée au dysfonctionnement de certaines zones cérébrales et réseaux de connexions (notamment celui qu'on nomme le "circuit de la récompense", la voie dopaminergique méso-limbique étant au centre de ce processus).
On s'intéresse tout de même essentiellement au fonctionnement de ce circuit dans le cadre de l'usage de substances psychoactives. Sinon ça peut aller loin : regarder un film comique ça le fait aussi travailler.
D'ailleurs, il existe bien des choses dont on devrait les dissuader, ces "jeunes". Mais c'est aussi important qu'ils conscientisent les risques potentiels que cela peut engendrer lorsque cette pratique devient obsessionnelle et qu'elle entre dans la thématique de l'addiction.
Encore faudrait-il documenter ces risques.
Car celle-ci fait entrer en jeu un besoin indispensable, une recherche de récompense compulsive et qui peut devenir maladive ainsi que des aspects psychologiques importants qui peuvent entraver le quotidien de la personne, mais aussi celui des autres. J'ai une personne de mon entourage qui est accro, addict au sexe, alors c'est encore une nuance à extraire de ce qu'on nomme dans ce topic, ou plutôt, l'addiction à la masturbation pratiquée à l'aide d'un support pornographique en est une nuance et une précision à la fois, mais j'en parle pour signifier que cette addiction a objectivement des conséquences bien plus lourdes qu'on ne pourrait le penser. Et je n'ai pas eu besoin d'aller chercher des articles ou archives issus du domaine scientifique pour m'en rendre compte. La science apporte aussi et surtout une explication et une confirmation, ainsi que des appuis expérimentaux vis-à-vis de l'avancée de traitements ainsi que l'élaboration d'une prise en charge adéquate. Dire que "ce n'est pas dramatique, pas trop grave" parce que le sexe, c'est ancré dans la Nature, je ne sais pas si c'est un argument recevable dès lors que ce comportement, qui de base était naturel et naturellement appliqué et applicable, pour le bien même de cette personne, entre dans la pathologie.
Si tu enlèves le sexe et que tu remplaces par n'importe quoi d'autre tu peux écrire la même chose. Quelqu'un qui passe tout son temps à cuisiner, à regarder des chaînes de sport ou n'importe quoi d'autre peut se trouver confronté à des conséquences néfastes (ou pas). Dans tout cela je peine à voir la spécificité du sexe, encore moins de la pornographie.
Ensuite, oui, l'on pourrait expliquer les bienfaits de la masturbation aux femmes, mais cela entre pour moi dans une toute autre discussion qui fait notamment référence à un tabou sociétal. Au passage, cette pratique est certes moins courante chez les femmes que chez les hommes, mais ça ne veut pas dire que les femmes ne peuvent pas non plus tomber dans cette forme d'addiction. En fait, ce qui me dérange dans tout ça, c'est de rallier un support qui n'est pas du tout adapté à l'apprentissage de son corps à cet apprentissage, comme s'il était important voire nécessaire pour cet apprentissage, alors que d'autres supports sont bien plus "formateurs", tout en niant l'existence du développement d'une addiction à cette pratique, parce qu'elle pourrait se révéler positive à l'égard d'une expérience individuelle. Alors, oui, "s'entraîner seul(e)", que ce soit homme ou femme donc, est favorable à la vie sexuelle à deux, mais si cet entraînement dépasse le principe de cet entraînement pour dévier vers l'impulsion et quelque chose qu'on ne peut donc plus gérer, ce n'est pas à prendre autant à la légère de mon point de vue. En somme, on peut prendre du recul, mais on ne peut pas relativiser tous les comportements, en particulier ceux qui induisent des impacts psychologiques conséquents.
Je ne vois pas bien quel support est plus "formateur". C'est bête à dire, mais un film montrant une pénétration ça en apprend tout de même beaucoup plus que douze dessins un peu théoriques en cours de SVT. Une démonstration de cunnilingus en vrai c'est tout de même une aide pour savoir placer sa langue... En y réfléchissant deux minutes on comprend bien que pour n'importe quelle autre activité on regarde sans soucis un tuto sur YouTube et que personne n'y trouve rien à redire. Bien entendu la pornographie en général ça n'est pas un cours, mais on peut parler d'intérêt accessoire à côté du but principal qui est le plaisir.
Tu conclus sur les impacts psychologiques conséquents... je t'assure que les hôpitaux psychiatriques et les cabinets des psy ne sont pas pleins de gens traumatisés par la pornographie. Tiens d'ailleurs, pour tout te dire, je pense que la violence est beaucoup plus marquante (même si rarement vraiment traumatisante). Quand un enfant voit quelqu'un se faire trucider, il lui arrive de faire des cauchemars. Jamais entendu parler de cauchemars parce qu'un(e) jeune a découvert que quelqu'un est mieux membré ou doté d'une plus jolie poitrine, ou parce qu'il a passé une heure sur un site porno plutôt que sur Instagram.
Il faut resituer le débat dans une perspective historique : il y a 40 ans, la masturbation était encore souvent condamnée comme un acte contre nature. Cela laisse des traces culturelles fortes. Qu'on le veuille ou pas, ces traces imprègnent la doxa ambiante et il faut faire quelques efforts de tri pour revenir aux faits.