C'est galvaudé aussi. Les critères de médicalisations de la dépression sont purement arbitraire. Et ne reposent que sur l'observation de symptômes plus ou moins éparses, plus ou moins consistants sur une période plus ou moins longues. Chacun fait un peu ça sauce quand ce n'est pas flagrant.
Je ne comprends pas ton raisonnement. Tu admets très bien que le cancer puisse avoir des sources physiques (on dit que c'est une maladie somatique) et que la volonté joue un rôle tout à fait secondaire pour une rémission. Mais tu n'admets pas cela pour les maladies mentales, comme si elles ne pouvaient pas avoir des sources biochimiques !
Pourtant tu peux facilement constater toi-même que notre cerveau est sensible à des phénomènes biochimiques. Par exemple si tu bois une bouteille de vodka et qu'on te dit : "non mais c'est dans ta tête l'ivresse, tu peux résoudre des problèmes de maths", ça ne va pas fonctionner. La biochimie s'impose à toi, quelle que soit ta volonté. Même en te bottant le cul, même en te motivant, tu seras impuissant, alors que ton corps est en parfait état et que seul ton esprit est affecté.
Un schizophrène sévère qui est persuadé d'être Napoléon ou d'être persécuté par des espions américains est tout aussi sincère que toi quand tu es persuadé d'être toi-même. Il est totalement inaccessible à un raisonnement tendant à lui démontrer qu'il a tort.
De la même manière un dépressif sévère en grande souffrance ne peut pas davantage se balader et faire du sport pour aller mieux après s'être mis un coup de pied au cul que toi faire une randonnée de 40 km si tu as une gastro fulgurante ou une bouteille d'alcool dans le sang. C'est physiquement hors de portée.
Sur les frontières parfois floues entre pathologie et non pathologie, évidemment tu as raison. La frontière d'une maladie est toujours conventionnelle. Il y a des dérives. Mais pas à l'infini. Personne de sérieux n'a jamais prétendu qu'un type qui se prend pour Napoléon est normal. Et personne de sérieux dans le champ de la psychiatrie ne doute de l'existence de la dépression et personne encore ne pense qu'un poil de motivation suffit pour s'en sortir. La dépression (auparavant appelée mélancolie) est documentée depuis fort longtemps et fait l'objet d'un très fort consensus. La portée des traitements médicamenteux et des psychothérapies est évaluée de mieux en mieux, et au catalogue des traitements la volonté, la détermination et le coup de pied au cul ne sont jamais présentés par les professionnels comme des solutions miracles. On peut avoir des réserves sur l'avis des experts, ça n'est pas interdit, mais il faut être un peu raisonnable avant de leur faire la leçon sans aucune base sérieuse.
Tout ceci est factuel, comme est factuel le fait que tu critiques des milliers de médecins sans avoir une réelle expérience de la psychiatrie, en partant non pas de la réalité mais de ce que tu aimerais que la réalité soit. Cela te plairait que l'on puisse se sortir de la dépression en lisant Nietzsche et avec de la volonté. Sauf que ça c'est ton souhait et pas la réalité. Des dizaines de milliers de professionnels qui côtoient la maladie au quotidien te le disent. Ecoute-les plutôt que de t'adonner à la paresse intellectuelle qui consiste à déformer le réel en fonction de ses idées plutôt que d'ajuster sa pensée au réel.