Je déteste dormir. Ou plus précisément : je déteste devoir dormir. Le soir quand je me couche, je déteste ce moment où je cherche à trouver le sommeil. Perce qu'une fois trouvé, il sera trop tard pour faire marche arrière et ne pas être demain. Cette peur, cette angoisse d'être le lendemain, me hante. Toujours stressé par les événements futurs. Mais cette peur ne m'angoissait qu'au lycée ; depuis que je suis en vacances, elle a disparue. Stressé par les cours, stressé par les gens, stressé par la pression, je ne voulais pas revivre ça le lendemain. Mais cette peur ne vient pas du lycée je crois, mais du collège… Du moins c'est ce que je pense… Je n'en ai jamais parlé parce que moi-même je me voilais la face, mais je pense que j'ai été harcelé. C'est dingue que je n'en sois pas si sûr. Mais quand j'y réfléchis, le collège n'a fait que me blesser. Les enfants sont cruels à cet âge-là. J'accuse notamment un des mes très bons amis de l'époque d'être devenu mon bourreau, celui qui m'a fait réellement détester cette époque. Je n'ai vraisemblablement aucune preuve de ce que j'affirme. Ma seule preuve est que mon cerveau se bloque quand je pense à cette époque. Tous mes souvenirs où presque sont sous verrous, devenus flous. Je ne me rappelle plus de rien. Vraiment rien. Les visages sont flous, les idées approximatives. Quand je pense à ça, mes idées divergent, pour me faire penser à autre chose. Ma mémoire joue contre moi, pour me préserver je crois. Avec du recul et de la maturité, je crois que toutes ses remarques désagréables, ses petites réflexions, ses insultes, c'est en fait du harcèlement. Comment cela se fait-il que je ne m'en sois pas rendu compte plus tôt ? Cette théorie explique donc plein de choses sur mon passé, sur celui que je suis. La Grande Dépression, c'était tous ces enfants cruels et maladroits, aveugles de leur propre méchanceté. Le fait que j'allais encore mal en 3eme, c'était lui. A cause d'eux, à cause de lui, j'ai souhaité la mort tant de fois. A cause d'eux, à cause de lui, j'ai souhaité leur mort tant de fois. A cause d'eux, à cause de lui, je suis devenu misanthrope, et j'ai maintenant des difficultés à communiquer avec les gens. Je me suis mis à haïr au plus profond de moi-même, au plus profond de mon âme, cette humanité. A l'époque où j'ai découvert que plein de choses allaient mal sur Terre, tous due à cette humanité, j'ai souffert par la même occasion de la stupidité et la méchanceté de gamins puérils. Maintenant, je hais le monde dans lequel je vis. Tout ça à cause d'une masse grouillante d'élèves, et de lui. Je lui en veux. A mort. Je ne l'ai jamais revu depuis le collège. C'est peut-être mieux ainsi. Est-ce que lui, aujourd'hui, se rend compte qu'il a été un lâche ? Un mec qui m'a fait beaucoup de mal ? A-t-il des remords ? Ou au contraire s'en fiche-t-il éperdument ?
Je hais cette époque dont je n'ai presque aucun souvenir… J'ai quitté le collège il y a déjà trois ans, pourtant celui-ci me fait toujours souffrir. En trois ans, j'ai oublié quatre années de ma vie. Me rendre compte que je n'avais plus aucun souvenir visuel de ma pelade a été le déclic. Une partie de ma vie a disparue. Je me rends compte aujourd'hui que ce n'est pas que la pelade qui a disparue, mais également tout ce qui m'a fait vraiment souffrir. J'apprécie l'intention de mon cerveau de me protéger, mais en même temps cela m'énerve. Je me suis toujours senti plus jeune que mon âge, mais quand même plus éveillé que mon véritable âge. 17 ans moins quatre années de collège, ça me fait donc 13 ans. 13 ans de vécu… quatre années passées à la trappe. Je me sens moi, mais avec une partie absente de moi-même. Amnésique. Je hais ne pas savoir, mais j'ai pourtant oublié une partie de ma vie…
Au point que je me questionne réellement sur ma santé mentale. Je suis persuadé qu'elle n'est pas… « en parfaite santé » ? Qu'elle n'est pas comme elle devrait être ? Quand ma mère me raconte des anecdotes du passé, j'ai découvert plusieurs fois que même petit, j'étais bizarre… Enfin ça ne me semble pas normal… Notamment quand j'avais deux ans, deux faits importants ont eu des répercussions sur mon être, alors que je ne pouvais décidément pas les comprendre. Après un week-end très « tendu », du jour au lendemain, je me suis mis à me balancer sur moi-même dans mon lit, en me tapant le crâne sur celui-ci. J'ai même réussi à déplacer mon lit tellement je tapais fort, au point que mon père à du caler le lit. J'en ai déformé légèrement ma boite crânienne. Entre-temps, ça s'est calmé, mais il m'arrive encore de me balancer le soir, quand je suis stressé. Une sorte de rituel finalement, qui me permet de m'apaiser et de trouver le sommeil. Second fait marquant, la même année (avant ou après, je ne sais pas). Suite à un événement très tragique pour ma famille et très éprouvant, j'ai eu une réaction étrange. Chez ma nourrice, pendant une semaine, je suis resté dans mon coin sans jouer avec les autres enfants, assis sur les fesses, me balançant et m'arrachant les ongles. Ça n'a duré qu'une semaine, et ça s'est stoppé aussi net que ça avait commencé. Je ne pouvais pas comprendre les émotions de mes parents, j'étais bien trop jeune. Pourtant j'ai stressé, j'ai servi d'éponge à émotions, et je me suis protégé comme j'ai pu. A deux ans, j'étais déjà un grand stressé. Est-ce normal pour un enfant de réagir de la sorte à son environnement extérieur ? De là je viens à penser que j'ai un petit problème mental, du moins pas la même constitution émotionnelle que mes semblables.
Bref. Ça fait du bien d'écrire ce que je ressens depuis des jours, des mois, des années. Je suis sans cesse en perpétuel découverte et redécouverte de moi-même. J'écris principalement pour répondre à une question : « qui suis-je ? ». Mais plus il y a de réflexions, plus il y a de questions. J'avance de moins en moins, je recule presque, car je ne suis sûr de rien. Surtout s'il y a une sorte de traitre au fond de moi-même, qui me cache la vérité, ou du moins une partie de mon passé.
En écrivant ces mots aujourd'hui, je me réconcilie en partie avec moi-même. Celui que je suis devenu, c'est en partie parce que j'ai souffert des autres. Et surtout de lui. J'espère ne jamais le revoir, car ce n'est pas sûr que je sache me contenir de lui faire du mal. La vengeance n'attire rien de bon… mais ça soulage sur le moment…