En effet
C'est un vaste sujet.
Sur le plan "théorique", l'idée de réfléchir sur le genre, en tant que construit social dérivé du sexe, m'a toujours semblé légitime et intéressante. Hélas c'est devenu un joyeux délire, avec je crois quelque chose comme une vingtaine de masters sur le sujet en France... C'est un effet de mode qui pose question parce que cela vient au détriment d'autres sujets, comme l'étude des inégalités sociales. Je ne crois pas du tout à l'intersectionnalité. Une femme qui sort de l'ENA est plus favorisée qu'un homme ouvrier dans la société et ne partage absolument pas un combat commun contre une oppression.
Toujours sur le plan théorique, une autre dérive vient de l'immixtion dans le champ académique de théories militantes fumeuses, comme l'idée que le sexe serait lui aussi un construit social, avec la reprise de tout un jargon absurde (AMAB, AFAB...). C'est désastreux, parce que cela donne un boulevard aux conservateurs et religieux pour dénoncer le "wokisme". Les délires sociétaux nourrissent les populistes.
Sur le plan pratique, maintenant, il y a de mon point de vue un vrai problème autour de ce qu'on appelle la "dysphorie de genre". Le fait d'être mal dans sa peau à l'adolescence, de questionner son identité, c'est courant. En déduire qu'on a un problème avec son genre voire même avec son sexe, c'est sauter un peu vite à une conclusion. Et considérer que la solution est de changer de genre et de sexe ne me semble pas évident.
Quand on parle du genre, au sens traditionnel du terme, cette démarche renvoie à l'idée d'une dichotomie homme/femme qui pour sa part me semble largement obsolète. Une fille peut porter un pantalon, ne pas se maquiller, avoir des cheveux courts, et inversement un homme peut adopter la plupart des codes féminins, même si c'est un peu plus regardé de travers. De ce point de vue dire que "une fille c'est quelqu'un qui se définit comme tel" est absurde, une définition ne peut pas être circulaire. Ici on dirait qu'une fille est quelqu'un qui a les codes genrés d'une fille... et ça finit forcément par une accumulation de clichés qui me semblent pour le coup tout à fait datés.
Quand on parle du sexe, si quelqu'un pense que son bonheur passe par des modifications hormonales et physiques le rapprochant de l'autre sexe, je suis pour la liberté de choix, sauf pour les mineurs qui doivent être absolument protégés. Je suis toutefois interrogatif sur la légitimité d'opérations mutilantes sur des corps en bonne santé. Et je suis inquiet de la multiplication de démarches dans ce sens de personnes plutôt fragiles qui sont très imbibées d'un discours militant et ne le questionnent guère. La négation du biologique, notamment, me semble faire pas mal de dégâts. Quand on est un garçon, ou une fille, biologiquement, on le restera quoi qu'on fasse comme opération et même si on se considère autrement.
Enfin derrière tout ceci me semble ressurgir des vieux démons qui viennent attribuer aux genres et aux sexes des rôles discriminés dans la société. Car en fait, à partir du moment où on peut aimer librement filles et garçons, s'habiller et se comporter comme on veut, qu'est-ce qu'on en a à faire d'être considéré comme fille ou garçon ? Cela veut dire quoi au juste, à part sur le plan morphologique ? Or je doute que le problème principal des personnes concernées soit d'avoir une voix grave, des seins ou un pénis... elles sont plutôt attachées à un construit social qu'on s'est efforcé à juste titre de déconstruire. Et ce n'est pas un hasard si ce sont maintenant majoritairement des filles qui ont du mal à se reconnaître comme telles. Cela doit nous interroger sur ce qui fait que s'identifier comme filles dans notre société est difficile, mais aussi sur ce qui fait que les gens s'attachent autant à des attributs aussi futiles du genre. Au fond, là, certains militants trans se rejoignent avec des conservateurs réacs sur la vision des référentiels sexués. Et je trouve cela bien triste.