Parfois, c’est comme si je pouvais me voir dans le futur- une image précise.
Je ne ressemble pas vraiment à ce que je suis pour le moment. Je me vois dans le hall d’un hôtel, je vois mon visage qui est celui d’une autre. Comment en suis-je arrivée là ?
Autour de moi, ils me disent que j’ai de la chance.
Comment peut-on devenir aussi différent ? Comme si elle avait disparu. C’est quelque chose qui l’a mangé de l’intérieur, qui a tout réarrangé, réorganisé, c’est une nouvelle naissance et je ne garde que mon prénom pour me présenter à cet homme que je ne connais pas et qu’on m’a dit que je devais attendre.
Je n’ai plus de tendresse pour les êtres que j’ai côtoyé dans une vie qui n’était pas la bonne. Ils sont comme des inconnus, qui pourtant eux me reconnaissent encore, dans peu de temps ils s’agripperont à ce souvenir.
Je sais me frayer un chemin dans la vie. Mais peu à peu, je disparais, je ne laisse qu’un sillage, et peut-être que ce n’était qu’une illusion, ces mots échangés. J’ai des dents aiguisées qui le montrent. Je me dérobe, et la main tendue n’étreint que du vide, un voile moiré incertain. Celui que j’ai mâchonné était comme ça je crois, leurs yeux se cernent, leurs traits se distendent, il a perdu le sang qui irrigue sa peau comme ce mot, le seul dont je me souviens de lui: exsangue.
Voilà qu’elle fait son méchant sourire, car ses gentillesses sont souvent feintes.
Sauf avec cet ami qui me rappelle une rue de Paris. Le grand gaillard blond se gargarise de liqueurs d’étoiles tout comme moi. C’est un ami d’errances, il mange une grande pièce de viande avec un couteau. Puis-je monter sur tes épaules, lui dis-je, comme elles m’échelonnent.
Le crépuscule se lève et je nais chaque nuit encore. Qu’est-ce que ça fait de savoir qu’il nous reste un an ?