Pris au piège

Deb.

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8 Jan 2021
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CHAPITRE 1

Recroquevillée sur moi-même, dans un silence assourdissant, j'attends. Ayant pour seule compagnie le bruit de ma respiration qui se fait de plus en plus pressante, j'ai peur. J'inspire, j'expire. De plus en plus vite. Les mains moites et le front qui ruisselle, j'ai chaud. 1. 2. 3. Les secondes sont interminables. Quand est-ce qu'elle va se décider à arriver et à me poser des questions ? Je n'en peux plus d'attendre. Je sais que je dois passer par là, mais je veux en finir le plus vite possible. Ça fait trois jours que ça dure. Un bruit, j'entends des pas. C'est elle, elle arrive. Ma mère. Lui dire la vérité cette fois ? Impossible. Je dois garder le secret. Je ne peux pas les trahir. Je ne peux pas LA trahir. La porte s'ouvre. Elle me jette un regard glaçant, mais ses mains tremblent. Elle a peur elle aussi. Elle me tend mon portable de ses mains.

« - Manon c'est ta dernière chance. Tu vas me dire qui est derrière ces numéros de téléphone que tu contactes jour et nuit. J'ai maintenant la certitude que ce ne sont pas tes camarades de classe, alors qui c'est ? Pourquoi tu ne veux rien nous dire ?

- Il n'y a rien à dire tout simplement. Ce sont des amis, c'est tout. J'ai 18 ans maintenant, arrête de fouiller dans ma vie privée comme si j'en avais 6, c'est compris ?

- Manon, ne me prends pas pour une imbécile, je vois bien que quelque chose ne tourne pas rond, tu n'es plus la même depuis un an. J'ai essayé de contacter ces numéros, mais comme par hasard, aucun d'entre eux ne répond. Ce ne sont pas des amis, et je compte bien savoir qui c'est. Je t'avais prévenue. Je ne te laisse plus le choix. Je commence à en avoir assez de tes mensonges. Je ne sais pas dans quoi tu t'es encore embarquée, mais ça suffit maintenant. J'ai essayé la gentillesse avec toi et ça n'a pas marché. Tu vas me dire de qui il s'agit immédiatement ! Je resterai là et je te harcelerai de questions jusqu'à ce que tu craques, c'est compris ? Alors je te conseillerais de tout dire maintenant car ce qui t'attend ne sera pas une partie de plaisir ! Ne lutte pas, ça ne sert à rien avec nous. »

Son visage se durcit, l'angoisse m'envahit. Mais je ne dois rien dire. Il ne faut pas que je craque.

« Je n'ai rien à dire. »

Le silence résonne à nouveau. Puis tout à coup, une voix jaillit de nulle part. C'est mon père, il dit à ma mère de le rejoindre, il veut calmer le jeu.

« Très bien Manon, tu ne veux rien nous dire pour aujourd'hui, d'accord. Mais sache que je saurai. »

Elle se baisse vers moi. Elle est si proche que je peux sentir sa respiration et entendre battre son coeur. Il bat presque aussi vite que le mien. Elle n'est pas calme elle non plus.

Silence.

Sa main se dirige vers mon épaule, ses ongles se plantent dans ma chair.

« Tu m'entends ? Je saurai. »

Crispée, les poings serrés, elle se dirige ensuite vers la porte sans dire un mot. Ses pas résonnent dans le couloir. Elle est partie. Pour de bon. Je peux sentir mes os se heurter les uns contre les autres, je tremble encore. J'ai eu chaud. Quelques secondes passent, puis je reprends mes esprits. Mon regard traverse furtivement la pièce. L'ordi, elle a oublié de prendre l'ordi avec elle. Il faut que je leur parle. Elle est partie. Je ne risque pas d'être vue. Je me précipite sur mon ordinateur.

« - Re.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé Manon ? Ça fait deux jours que tu ne réponds plus. Tu n'as pas intérêt à nous laisser tomber.

- C'est la merde chez moi, mes parents se doutent de quelque chose, ils me posent plein de questions, on se croirait à un interrogatoire de police. Ils ont même tenté de contacter Maëlle, ils risquent de remonter jusqu'à toi.

- Ne t'en fais pas pour Maëlle, je l'ai fait disparaître de la circulation à l'instant même où elle nous a tourné le dos. Quant à toi, quoi qu'il arrive tu ne dois pas parler, c'est compris ?

- Mais ça me gêne de devoir leur mentir comme ça. Ils ne me lâchent plus, ils insistent. Je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps. Pourquoi ne pas leur dire la vérité ? Tu ne nous as jamais dit exactement à moi et aux autres pourquoi ton existence devait rester secrète à ce point. Quelqu'un cherche à te faire du mal, c'est ça ? Tu sais que tu peux me faire confiance, quoi qu'il t'arrive on restera soudées, je te sortirai de là.

- Manon, tu n'as pas l'air de comprendre ce que je te dis. Personne ne doit connaître mon existence ni celle de notre petit groupe, c'est clair ? Ce n'est pas un jeu. Tu ne dois parler de nous à absolument personne. On s'était mis d'accord sur ça dès ton arrivée. C'était ça ou tu dégageais, tu te souviens ? Je suis venue vers toi car tu étais une pauvre fille malheureuse et complètement paumée. Mais je dois être sûre que je peux te faire confiance à 100%, sinon je t'assure que tu redeviendras cette fille paumée et malheureuse en un rien de temps, c'est clair ?

- Oui... Je te promets d'essayer de tenir.

- Tu as intérêt, et tu as surtout intérêt à réussir à tenir, sinon je te ferai regretter de nous l'avoir fait à l'envers.

- Ne t'en fais pas.

- Bien. Et sinon, ça va ? Elle ne t'a pas fait mal cette fois-ci ?

- Non ça va... Mais c'était quand même très dur. Elle peut parfois être... Monstrueuse. Heureusement que mon père est là...

- Je sais ce que c'est Manon, je le sais. Mais tu dois tenir. Je t'ai appris à être courageuse et je sais que tu l'es au fond de toi. Souviens-toi, dès que tu peux, tu nous rejoindras dans mon lieu secret, et ton cauchemar sera fini. Adieu ta famille, adieu ton école, adieu tout ce que tu auras connu jusque là. Il n'y aura plus que nous, le groupe, et tu seras enfin heureuse.

- Oui, je viendrai le plus vite possible, c'est promis. Mais ce n'est pas trop risqué de te rejoindre alors que tu veux que personne à part nous ne sache que tu existes ?

- Manon, tu poses trop de questions. Je sais ce que je fais. Toi, contente toi d'écouter et d'obéir à ce que je dis, compris ?

- Oui, désolée... Je vais aller dormir, je crois, il se fait tard et je suis épuisée.

- Oui fais donc ça. Et tâche d'être là demain, c'est important que tu sois là chaque jour.

- J'essaierai. »

J'éteins l'ordi et je me couche directement, toutes ces émotions m'ont épuisée. Et je sens qu'une dure journée m'attend demain encore.

Elle, c'est Bethany, on s'est rencontrées il y a un an sur un site de personnes en détresse. Elle m'a présentée à ses amis. On forme à présent un groupe soudé. On a tous quelque chose en commun: on ne se sent pas à notre place là où on est et on était perdus. Bethany paraît dure mais c'est pour notre bien, c'est ce qu'elle nous répète toujours. C'est elle qui est venue vers nous. Elle nous a offert son amitié et nous a tous sauvé la vie. Selon elle, on a quelque chose de spécial que les autres n'ont pas. On a prévu de se voir tous ensemble un jour. C'est la première fois que je me sens aussi heureuse et aussi à l'aise dans un groupe. Alors pourquoi ne rien dire, pourquoi ne pas parler de Bethany et du groupe puisqu'on ne fait rien de mal ? Eh bien parce que Bethany a eu une vie compliquée et qu'elle cache désormais un secret, un secret extrêmement dangereux qui pourrait mettre sa vie en danger si jamais quelqu'un d'autre que nous venait à découvrir son existence. En tout cas, c'est ce qu'elle nous avait dit au départ...


C'est une histoire que j'ai commencé il y a un moment. J'essaierai d'en faire un roman ( si je me suicide pas d'ici là). Je me suis inspirée d'un truc que j'ai vraiment vécu et qui m'a beaucoup traumatisée, et plus j'y pensais plus je me disais que ça pourrait en faire un livre tellement c'était pas commun ce que j'ai vécu. Du coup je l'ai vraiment fait pendant le confinement et après j'ai arrêté parce que je ne trouvais plus le temps mais je compte le reprendre. Évidemment après j'ai inventé, c'est pas tout inspiré de la réalité. Du coup je mettrais un chapitre par jour parce que sinon ça va les fusionner et j'aime quand mes messages sont fusionnés😭😭. Du coup voilà, vous pouvez donner vos avis aussi
 
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Deb.

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8 Jan 2021
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CHAPITRE II

7h30, l'alarme de mon téléphone retentit, j'ouvre les volets, il pleut. C'est le début d'une nouvelle journée. J'enfile un chemisier blanc et une jupe noire laissant entrevoir mes jambes frêles. Un peu de blush pour contraster avec la pâleur de mon teint et un peu de fard à paupières noir pour faire ressortir le vert de mes yeux. J'attache mes longs cheveux noirs en queue de cheval. Puis je descends les escaliers, et me dirige vers la porte en me préparant à affronter ce que je croyais être une nouvelle journée de cours. Mais soudain, une silhouette venue de nulle part apparaît devant moi, m'empêchant d'atteindre le dehors. C'est ma mère.

« - Où est-ce que tu comptes aller comme ça ? On a une discussion à terminer.

- Maman, tu as oublié ? On est jeudi, j'ai cours aujourd'hui. On verra ça ce soir. »

Son visage se durcit. Elle fait un pas en avant, m'obligeant à reculer.

« - Tu n'iras nulle part. Tu ne sortiras pas d'ici tant que je ne saurai pas toute la vérité à propos de ces saletés de numéros. Tu m'as assez menti comme ça, je veux savoir dans quoi tu t'es embarquée tout de suite ! Je suis ta mère ! »

Ses poings se serrent, sa voix tremble, je sens que ça va mal tourner. Mais elle semble seulement inquiète, et triste en même temps. Triste de me voir moi, sa propre fille, en train de lui mentir effrontément. Triste car tout lui échappe. Et enfin triste de se sentir inutile, impuissante, insignifiante. Insignifiante telle une étoile au milieu de l'univers, un insecte sur Terre. Elle se plaint souvent d'avoir ce sentiment lorsque je lui désobéis, et moi-même je sais ce que ça fait, d'avoir l'impression de n'être rien. Au fond, j'ai de la peine pour elle. Souvent, il m'arrive d'avoir envie de lui dire la vérité au sujet de Bethany. Mais je ne peux pas. Après tout, bientôt, ce sera elle ma famille. Elle, ainsi que tous ses amis. Je n'ai jamais rien eu en commun avec MA famille, même à l'époque où tout allait bien, car oui, malgré les apparences, cette époque a bel et bien existé, alors je me dis qu'avec une autre, celle que j'aurais choisi avec le cœur, les choses se passeraient peut-être mieux. En bref, je ne peux pas les trahir alors que depuis un an, ces gens sont devenus mon seul espoir. Donc je serre les dents, me fige, espère que ça ne dégénèrera pas, et tant pis pour maman.

« Je n'ai rien à te dire. Il n'y a rien. Maintenant, laisse-moi sortir. »

Elle fait à nouveau un pas vers moi. Son visage se durcit un peu plus, on peut à présent voir deux petites rides se dessiner sur son front. Le ton de sa voix devient plus menaçant.

« Ne fais pas un pas de plus. »

En l'observant bien, je remarque que quelque chose cloche. Ce que je redoute depuis le début est en train de se produire. Elle n'est plus elle-même, je le vois. Je n'aime pas quand elle est comme ça. Ça peut déraper à tout moment. Il faut vraiment que je fasse quelque chose pour stopper la conversation au plus vite.

« - Maman arrête, calme toi maintenant, s'il te plaît.

- Tu n'as pas à me dire ce que j'ai à faire sale morveuse ! Ça suffit ! Arrête de jouer avec mes nerfs petite peste !

- Calme toi maman... On parlera de ça à mon retour, calme toi je t'en supplie, tu sais que ce n'est pas bon quand tu es dans cet état... »

Un silence.

Cette fois, les rides sur son front deviennent extrêmement nettes, la colère monte en elle jusqu'à envahir tout son être, elle se jette sur moi, ses mains autour de mon cou. Terrifiée, je n'ose plus bouger.

« Tu vas arrêter de me mentir et de me prendre pour une imbécile ! »

Je sens ses mains se resserrer un peu plus. L'air me manque, je veux crier, je veux que quelqu'un m'entende, je veux me débattre, je veux sortir de là par tous les moyens, mais l'angoisse me paralyse. J'étouffe, j'ai l'atroce sensation que ma gorge est prise dans un étau. J'ai peur de la mort. J'ai peur qu'elle ne me lâche jamais !

« Natacha, qu'est-ce que tu fais, lâche-la tout de suite ! »

Mon père arrive à la rescousse une fois de plus. Ma mère me lâche. Sous le choc, je reste là, immobile, paralysée, terrifiée, suffocante. Mon sang se glace, refroidissant mon corps tout entier. Mes jambes flageolent, mon corps me lâche, je tombe à genoux. Ça va trop loin. Elle a souvent perdu le contrôle, mais elle n'en était encore jamais arrivée là. Comment celle qui m'avait jusque-là aimée, élevée et protégée en était-elle arrivée à un tel niveau de violence ? J'ai peur, parfois j'ai l'impression que ce n'est plus ma mère. Raison de plus pour m'enfuir loin d'ici dès que je le pourrai.

« Regarde ce que tu as fait Natacha ! Bon sang, mais tu as vraiment perdu la tête ! C'en est trop cette fois-ci, tu as failli la tuer, c'est ta fille ! Tu continues de prendre tes médicaments, au moins ? »

Ma mère éclate en sanglots.

« Non, tous ces trucs ne servent à rien, les médecins me droguent, je ne veux plus, je ne veux plus rien. »

C'est donc ça.

« Tu sais pourtant que c'est pour ton bien. Je te rappelle que le médecin t'a donné ordre de les prendre. Regarde ce que tu fais, tu as étranglé ta fille, ta propre fille ! Qu'est-ce qui se serait passé si je n'étais pas intervenu ? Je n'en peux plus de tes délires, Natacha. Ça ne peut plus durer ! Bon sang, mais tu as perdu la raison ! Ta fille, tu te rends compte ? Ta fille ! Dorénavant, je veillerai à ce que tu avales ces fichus médicaments, et s'il le faut, je te les ferai avaler de force. Je ne tolérerai plus un seul faux pas de ta part ! C'est clair ? Plus aucun ! »

Mon père amène finalement ma mère dans sa chambre. Soulagement pour moi.

Ça fait maintenant 3 ans que maman est tombée malade. Son frère a rejoint les étoiles après s'être vainement battu contre un foudroyant cancer. Ils étaient très proches. Je me souviens qu'à l'annonce de son décès, maman ne s'est pas levée et a refusé de manger pendant des semaines. Puis elle a rejoint le monde des êtres brisés, déchus de tout espoir, et imperméables à toute joie. Ceux dont les pensées se disloquent en mille et une lames qui les détruisent de l'intérieur, et dont l'âme est profondément blessée : le monde de la démence comme l'appelle mon père. On ne revient jamais du monde des morts, mais peut-on revenir du monde de la démence ? J'avais espoir, mais aujourd'hui je n'en suis plus si sûre. Papa dit que lorsque les êtres chers commencent leur voyage vers l'au-delà, ils emportent toujours une partie de nous avec eux. Mais j'ai l'impression que le frère de ma mère l'a emportée tout entière avec lui, prenant ainsi sa douceur infinie, sa pureté, son sourire plus lumineux encore que le soleil lui-même, et ses éclats de rire si communicatifs qu'ils auraient pu faire trembler la Terre tout entière de joie. Et ne laissant ici qu'un être écorché vif, noyé dans un désarroi sans fin et bouillonnant de colère et de rage.

Je ne suis pas allée en cours finalement. Mon père a trouvé judicieux que je reste à la maison pour me remettre de cette altercation, se doutant que je n'aurais de toute façon pas eu la force de me concentrer. Il m'a également rendu mon portable, qui avait été confisqué par ma mère la veille. J'avais un message de Bethany qui me demandait pourquoi je n'étais pas connectée, et si j'allais bien. Je n'ai pas osé lui parler de ce qui venait de se passer, et j'ai préféré lui dire que tout allait bien.

Deux semaines sont ensuite passées dans le plus grand des calmes. Comme prévu, mon père veillait à ce que ma mère prenne ses médicaments tous les jours. Ainsi, elle passait le plus clair de son temps à dormir et ne me posait plus aucune question. Bethany était rassurée et semblait elle aussi plus calme. Tout paraissait être définitivement rentré dans l'ordre. Mais, ce vendredi soir, alors que je rentrais chez moi après une énième journée de cours, j'ai eu la nette impression que quelque chose était différent des autres jours. Dès que j'ai franchi le pas de la porte, j'ai senti qu'une atmosphère pesante régnait dans la maison. Je me suis dirigée vers le salon avec appréhension. Mes parents étaient tous deux assis à table, face à face. Ils prirent un air grave et se tournèrent vers moi. Ils semblaient m'avoir attendue là toute la journée.

« Assieds-toi Manon, il faut qu'on parle. On sait tout.
 
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